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2004
Né en août 1904, mort il y a vingt ans, William Count Basie aurait fêté ses 100 ans cette année. Pour célébrer son anniversaire, c'est à Marciac que le Tuxedo Big Band a choisi de rendre hommage à l'illustre pianiste. Sur la scène de Jazz in Marciac, les pupitres sont bien ceux du Tuxedo mais ils nous font déjà penser à ceux de l'orchestre de Count Basie et le répertoire qui va suivre se veut résolument proche de celui de l'homme qui a fait swinger le blues.
Mais qu'est-ce qui anime donc tant la flamme du Tuxedo? A chaque prestation, l'infatigable Big Band produit une musique énergique et exerce à merveille l'art de la connivence faite de sourires en coin et de clins d'oeil furtifs. Vraisemblablement, les complices éprouvent toujours autant de plaisir à partager les mêmes joies musicales. Cette fois-ci, le Tuxedo est chargé d'accompagner le saxophoniste Harry Allen, de lui fournir une assise d'une solidité à toute épreuve. Ce soliste à l'inspiration constante apporte à son jeu des réminiscences de Ben Webster et de Stan Getz qui s'accommodent parfaitement avec ce type d'ensemble. Avec quatre trompettistes, trois trombonistes, cinq saxophonistes et une section rythmique classique (un pianiste, un guitariste, un bassiste et un batteur), la formation s'inscrit dans la grande tradition des orchestres de Count Basie. Les riffs des cuivres sont stables permettant ainsi à la polyphonie de s'organiser, tantôt les trompettes se lèvent de leurs pupitres, tantôt se sont les trombones ou bien les saxophones et parfois c'est le mélange. Les musiciens savent occuper l'espace et l'orchestre mené par Paul Chéron fait jubiler le swing avec une passion communicative. Lors de ce concert du samedi 5 juin, le Tuxedo Big Band décide de célébrer l'oeuvre de Count Basie afin de rendre hommage à cette musique cyclique et dynamique qui a marqué l'histoire du Jazz aux alentours des années 40. Il est évident que le Tuxedo sert à merveille le répertoire de ce pianiste magistral en y prenant un véritable plaisir malicieux : chaud devant !
Le cycle répétitif du blues, coeur du répertoire de Basie, trouve ici sa place dans plusieurs titres: "Blue And Sentimental", "Jumpin' At The Woodside", "Fiesta In Blue"... Et sur "Blow Top" au tempo plus rapide, les riffs se superposent avec un égal dynamisme. On assiste à de brefs échanges de cuivres montés en boucles, interrompus à deux reprises par de courts solos de saxophone et de trombone. De ce morceau se dégage un swing d'une efficacité rare. C'est aussi le cas sur "Basie Boogie" où le riff est exécuté avec légèreté sur un tempo également rapide. Le jeu du pianiste Thierry Ollé fait honneur à Basie ; comme son mentor il adopte un jeu économe, sobre mais néanmoins percutant. Il en est de même pour la partie de batterie de Jean-Luc Guiraud qui s'annonce comme une ponctuation dosée avec rigueur. Par instants, la chanteuse Valérie Perez vient nous offrir son charme et son swing désinvolte tandis que Harry Allen développe quelques très beaux solos au saxophone ténor, notamment sur les compositions de Lester Young ("Lester Leaps In", "Tickle Toe"). L'ensemble remporte un franc succès et le Tuxedo offre un délicieux cadeau au public lors du rappel : une interprétation impeccable du grand standard de Basie : "One O'Clock Jump". Le piano est d'abord traité tout en douceur en petites formules roulantes comme pour mieux faire ressortir les éclats cuivrés. Émerge par la suite une belle conception rythmique à l'orchestration élégante où équilibres et déséquilibres se conjuguent pour engendrer un riff sans fin.
Le public debout acclame la formation : il voudrait que les riffs joués par le Tuxedo Big Band ne s'arrêtent jamais mais les sessions d'automne, d'hiver et de printemps de Jazz in Marciac prennent fin ce samedi 5 juin. Le rideau se ferme et il faudra désormais patienter jusqu'à la soirée du 1er Août pour les concerts de Richard Bona et Césaria Evora afin de connaître de nouveau l'exaltation que procure un spectacle à Marciac: le festival d'été 2004 est lancé!
Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux