2024
18 Juillet > 04 Août

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2005

Salle des Fêtes
JIMMY COBB
RONNIE MATHEWS, REGGIE JOHNSON, JIMMY COBB
Session de printemps

Pour son dernier concert hors saison, Marciac accueille « The Real Thing » constitué par Ronnie Mathews (piano), Reggie Johnson (basse) et Jimmy Cobb (batterie). Ce trio aux allures de « Dream Team » vaut à lui seul le déplacement. A eux trois, ils ont côtoyé les plus grands noms du jazz. Dresser la liste de ceux avec qui ils ont joué revient à citer tous les musiciens qui ont marqué le jazz lors du dernier demi siècle : Miles Davis, Cannonball Adderley, Max Roach, Archie Shepp, Bill Evans, Sarah Vaugahn, Dinah Washington…Ce soir, c’est au tour d’Eric Alexander et de Judy Niemack de jouer aux côtés de musiciens de jazz parmi les plus prestigieux de ces quarante dernières années.

Les premiers titres (Salima’s Dance ; Jean Marie) confirment ce que nous savons déjà de ces artistes : Ronnie Mathews au piano est un excellent accompagnateur ; à la basse, Reggie Johnson assure un tempo solide et Jimmy Cobb maîtrise parfaitement le rythme de la batterie. Nous avons affaire à des « sidemen » très recherchés pour le soutien rythmique qu’ils proposent. Cette mise en place se révèle particulièrement confortable pour les solos d’Eric Alexander. En 1991, ce saxophoniste vedette des clubs new-yorkais, où il se produit souvent en leader, a fini deuxième de la Thelonious Monk Competition . Il joue dans un style directement inspiré des grands saxophonistes ténors du bop et du hard bop (Dexter Gordon, Johnny Griffin…). Par cette filiation, sa connivence avec le pianiste est évidente. Sur quelques accompagnements, Ronnie Mathews inclut des éléments spécifiques du « bebop » qui sollicitent le soliste au niveau harmonique. Bien que le jeu du ténor soit mis en valeur par le trio, le saxophoniste doit partager la vedette avec la chanteuse Judy Niemack qui apparaît à la fin du premier set sur une interprétation très personnelle de « All Blues » (Miles Davis). Pour cette version, la chanteuse part d’un texte chanté qu’elle transforme peu à peu en sons à la manière d’un instrumentiste pour finalement installer le « scat ». Il en sera de même sur une relecture fort original de The Man I Love

Dès le début de la seconde partie, l’ambiance est électrique et les encouragements d’un public enthousiaste poussent chaque musicien à faire mieux que son voisin. Reggie Johnson donne le meilleur de lui-même au cours de brefs solos inventifs où il ne s’embarrasse jamais de notes superflues. Ronnie Mathews se montre très à l’aise sur les tempos rapides qui lui permettent de déployer un phrasé linéaire. Quant à Jimmy Cobb, il construit quelques improvisations complexes centrées sur la caisse claire. Le trio fonctionne remarquablement. « The Real Thing » fait preuve d’un éclectisme profondément assimilé qu’il partage avec Eric Alexander et Judy Niemack. Le saxophoniste s’affirme au fil des morceaux et la chanteuse sait mettre sa sensibilité au service de ce répertoire exigeant. Par exemple, sur « Moanin’ » (Boby Timmons) la grande flexibilité de sa voix lui permet d’être particulièrement efficace lors de ses chorus. Eric Alexander quant à lui reprend exactement la même entame de solo que la trompette de Lee Morgan sur le disque de 1958 (Art Blakey and The Jazz Messengers, Moanin’, Blue Note). Pour finir, Judy Niemack fait chanter le thème de « Moanin’ » aux stagiaires de sa « Master Class ». Cette version n’aura sans doute pas déplu à Reggie Johnson qui a rejoint les Jazz Messengers d’Art Blakey en 1965.

Très beau concert, mais on ne peut s’empêcher de penser déjà à cet été. Ronnie Mathews et Jimmy Cobb seront là pour rendre hommage à Charlie Parker avec le Legacy Band mais il y a toujours un brin de nostalgie qui vient hanter la dernière session de printemps de Jazz in Marciac. Les portes de la salle des fêtes se referment. Marciac sera privé de jazz pendant plus d’un mois. Ensuite, à la mi-Juillet, nous entendrons les travaux commencer, nous verrons les toiles se dresser et la population du village augmenter. Certains, même, sentiront quelques notes de musique poindre en sourdine à l’horizon, en attendant le festival…

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux