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2004

Salle des Fêtes
RANDY BRECKER & THE ALMOST BIG BAND
RANDY BRECKER & ALMOST BIG BAND
Session d'automne

En Juin 2004, Jazz in Marciac avait clôturé ses sessions d'automne, d'hiver et de printemps avec un Big Band, celui du Tuxedo qui avait rendu un flamboyant hommage à la musique de Count Basie. Avec la reprise des concerts hors saison en ce mois d'octobre, c'est un nouvel ensemble qui fait son apparition, le "presque Big Band" du regretté Ernie Wilkins (mort le 9 Juin de cette année), lui-même arrangeur légendaire de Count Basie et grand maître du swing.

The Almost Big Band vient à Marciac pour perpétuer l'oeuvre du saxophoniste Ernie Wilkins. L'arrangeur américain monte cette formation en 1980, soit l'année qui suit son installation à Copenhague. Ce "presque grand orchestre" (Almost en Anglais signifie "presque"!) est composé de "seulement" treize musiciens talentueux dont la plupart sont européens. Il arrive, lors d'importantes tournées que le Big Band accueille quelques stars américaines de la trompette Jazz telles que Jon Faddis, Clark Terry ou comme ce soir, Randy Brecker. Ce dernier a d'ailleurs déjà joué dans de nombreux Bands dont ceux de Franck Foster et de Clark Terry qui ont essayé de maintenir la grande tradition orchestrale de Count Basie. Autrement dit, il est coutumier du fait et se sent particulièrement à l'aise dans un registre d'inspiration bop qui lui permet d'exprimer son sens de la mélodie. Ce soliste exceptionnel est capable d'improviser dans de nombreux domaines ; il excelle notamment dans le JazzFunk : écoutez par exemple sa participation sur l' album "Paint it Blue" (ACT Jazz, 1996) du tromboniste suédois Nils Landgren! Ce trompettiste à la technique parfaite possède également un goût pour la recherche de sonorités rares, il a utilisé la trompette électrifiée bien avant Miles Davis. Autrement dit, sa présence ce soir est un atout majeur pour la réussite de ce swing d'ensemble.

Autre qualité que possède la formation d' Ernie Wilkins : un duo de choc et de charme aux trombones, exceptionnellement composé de très jolies souffleuses: Lis Wessberg et Lea Nielsen. Per Goldschmidt au saxophone, est le leader spirituel de ce Big Band, c'est lui qui reprend le flambeau porté par Ernie Wilkins mais c'est véritablement Christoffer Moller qui tient d'une main de fer les rênes de cet orchestre. Il est toujours présent au piano : accompagnateur au jeu sobre et économe ou principal surveillant de l'équilibre entre les différentes sections de cuivres. Tous les thèmes dus à Duke Ellington et Ernie Wilkins permettent à chacun d'étaler ses qualités, les solos s'encastrent dans l'orchestration en l'enrichissant et la rythmique reste d'une sûreté sans faille du début jusqu'à la fin. Ceci dit, le répertoire choisi offre également son petit lot de surprises comme cette belle interprétation de Lover Man où Randy Brecker montre que sa technique s'est encore affinée avec la maturité. Per Goldschmidt s'adresse régulièrement au public dans un français "almost" parfait et ses maladresses linguistiques font souvent rire l'assistance. Mais parfois, l'humour est prémédité, il explique ainsi à la fin de Lover Man qu'il a connu une personne qui s'était tellement impliquée dans cette chanson aux paroles si tragiques qu'elle est morte juste après l'avoir chantée. A la tonalité employée par le narrateur on suppose sans équivoque qu'il s'agit bien d'une plaisanterie !?!

Cette soirée est agréable de bout en bout, on en regrette presque sa brièveté. Ce jeu d'ensemble exemplaire nous captive jusqu'à la dernière note mais on aurait peut-être parfois préféré que les chorus s'éternisent un peu plus. Randy Brecker nous aura tout de même bien gâté et l'on sera vigilant à la sortie de son prochain enregistrement probablement aux côtés de son frère Michael avec qui il aime tant collaborer.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux