2025
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2004

Salle des Fêtes
PHIL WOODS
PHIL WOODS
Session d'hiver

Stress pour ce concert du Samedi 6 mars: N.H.O.P, souffrant, ne peut assurer sa prestation! Il est remplacé au pied levé par l'excellent Pierre Boussaguet. Nos clients sont contactés les uns après les autres et seuls quelques aficionados du contrebassiste danois décident d'annuler leur venue. C'est donc une salle pleine qui accueille Phil Woods, saxophoniste de légende, talentueux héritier de l'oeuvre de Charlie Parker.

Le challenge est délicat mais les musiciens vont se surpasser pour faire oublier l'absence du charismatique Niels-Henning Orsted Pedersen, plus connu sous le diminutif de N.H.O.P. Dès l'introduction du premier morceau, les artistes annoncent la couleur: les chorus se succèdent avec une belle diversité et Woods multiplie les inventions mélodiques. Le jeu de l'altiste s'appuie sur des figures répétitives dont il s'écarte par instants pour proposer quelques accentuations inattendues. Il ne serait pas juste de croire que Phil Woods porte seul le concert sur les épaules car le guitariste suédois Ulf Wakenius tire également son épingle du jeu. Il adopte un style résolument spectaculaire mais sans exhibitionnisme lors de solos bien inspirés. Pourtant, c'est lorsqu'il renforce la nuance et accentue la profondeur que le guitariste étonne le plus par un feeling bouleversant, notamment sur un titre de sa propre composition qu'il interprète seul sur scène. Dès le thème suivant, Wakenius montre un tel point de maturité et d'excellence dans l'interprétation des musiques de Phil Woods qu'on se remet à rêver aux plus belles heures du bebop. A cet instant, le public apprécie d'autant plus l'accompagnement sans faille de la rythmique: George Fludas impeccable à la batterie et Pierre Boussaguet exemplaire à la contrebasse! Les deux hommes sont à la hauteur de leur excellente réputation de sidemen, ils appliquent un jeu respectueux et discret, juste ce qu'il faut pour mettre en valeur, avec humilité, les deux grands solistes que sont Wakenius et Woods.

L'ensemble des oeuvres est interprété avec générosité, sincérité, talent. Cela n'a rien d'étonnant au vu du parcours des deux artistes. Phil Woods a pour idole l'emblématique Charlie Parker dont il a conservé la même passion de jouer et l'envie de faire perdurer l'esprit bebop. Comme son prédécesseur, il possède la maîtrise parfaite du saxophone alto mais peu à peu, il va suivre sa propre voie en affinant une technique plus personnelle même si l'empreinte du bebop ne s'efface jamais véritablement. Ainsi, en 1961, il enregistre sa première composition (Rights Of Swing) avec, entre autres, Tommy Flanagan, Benny Bailey et le tromboniste Curtis Fuller qui occupera la scène marciacaise le 27 mars prochain. De son côté, Ulf Wakenius est reconnu pour ses nombreuses collaborations, bien sûr avec Oscar Peterson qu'il a encore accompagné avec N.H.O.P cet été à Marciac, ou dernièrement avec le contrebassiste Ray Brown sur le magnifique album Walk On. Ce musicien touche-à-tout possède une technique hors pair qui lui permet de jouer dans des registres divers et variés: il a ainsi collaboré avec Steve Coleman, Pat Metheny et Mickael Brecker. Ses influences vont volontiers vers d'autres guitaristes de renom tels que Barney Kessell, Herb Ellis ou Joe Pass mais son style si personnel s'est forgé dans la multitude de ses expériences. La complémentarité avec le jeu de Phil Woods est évidente, ses réponses intuitives à la guitare permettent de mieux apprécier encore le phrasé acrobatique du saxophoniste.

Au fil des titres, Phil Woods fait l'étalage de toutes les musiques dont il a fait la synthèse et le public se rend compte qu'il a devant lui l'un des meilleurs altistes depuis l'ère Charlie Parker. Ulf Wakenius et George Fludas, très à leur aise dans ce registre, sont impressionnants de vélocité et Pierre Boussaguet réussit presque à nous faire oublier l'absence de l'imposant N.H.O.P. Bref, une soirée d'exception agrémentée d'un geste amical comme Jazz in Marciac sait en avoir: les spectateurs seront invités pour l'une des soirées de cet été!

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux