2024
18 Juillet > 04 Août

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2005

Salle des Fêtes
PAOLO FRESU
PAOLO FRESU "P.A.F"
Session de printemps

P.A.F, derrière ces trois lettres se cachent trois hommes de grand talent mais aussi trois adjectifs qui caractérisent une musique inclassable. L’une des grandes qualités de cette expérience musicale est de communiquer l’évidente volupté éprouvée par ceux qui la jouent. Ce samedi 28 mai à Marciac, Paolo Fresu (trompette), Antonello Salis (piano et accordéon) et Furio Di Castri (contrebasse) présentent un univers à la fois poétique et artistique…fantastique !

P comme poétique. Dans la première partie du concert, la poésie qui se dégage de la musique de P.A.F. trio naît essentiellement de l’idée d’explorer les relations entre l’acoustique et l’électronique. Acompagné d’une contrebasse et d’un piano, Paolo Fresu joue une musique lyrique ultra-raffinée par le biais d’une trompette amplifiée, aux sonorités modifiées par une boîte à effets. Quelques phrases courtes à l’élégance discrète nous font penser à Miles Davis période Tutu (Warner, 1996). Seule différence : derrière les sons du processeur viennent se greffer les apports résolument acoustiques d’Antonello Salis et Furio Di Castri. Ces deux musiciens jouent avec l’émotion et ramènent les errances parfois audacieuses du trompettiste à lintérieur de cadres précis. Incontestablement, l’esprit aventureux du trio reste toujours au service de la musique. Paolo Fresu, quant à lui, nous surprend par son attitude désinvolte : pieds nus sur la scène, tête baissée le plus souvent, il ne quitte pratiquement jamais son siège adoptant par instants une position foetale. Les cheveux raccourcis, il ressemble désormais à un petit garçon dont la sensibilité nous touche profondément. Le trompettiste bugliste est un poète. Quand il joue, il n’est pas avec nous, il est dans sa musique, à l’intérieur d’un univers méditatif.

A comme artistique. La seconde partie se démarque de la première par un concept profondément artistique.Historiquement parlant, le P.A.F trio a pour habitude de solliciter la participation d’artistes qu’ils soient musiciens, acteurs, mimes ou danseurs dans un contexte jazz ou dans des univers artistiques parallèles (danse, poésie, art contemporain …). Ce soir, pas d’invités spéciaux, ce qui n’empêche pas le trio de faire une prestation parfois proche de la comédie musicale : la formation déchire des papiers journaux sur leurs instruments pour mettre en place une rythmique endiablée, Antonello Sallis agite un sac plastique pour faire quelques bruitages (le vent ? la mer ? la pluie ?…), les musiciens poussent des cris bizarres, éclatent de rire et discutent même en plein milieu d’un morceau. Cette mise en scène développe une aventure musicale particulière où l’on découvre un univers étrange assez proche du théâtre contemporain. Bien évidemment, cette situation est agrémentée de thèmes et de chorus absolument sublimes qui retracent les grandes lignes de leur album Morph (Label Bleu, 2004). Fidèle à cette oeuvre, les musiciens nous emmènent dans un voyage ludique au pays d’un jazz qui mélange les genres : un classique qui frôle la folie (Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach), un tango qui vire au dissonant (Cha Tango). Et lorsque Antonello Sallis caresse les touches de son accordéon, c’est pour nous faire découvrir les couleurs de la Louisiane à travers une sorte de musique cajun.

F comme Fantastique. Nous avons assisté à un concert d’une qualité rare avec une osmose parfaite entre les musiciens. Ils ont touché l’âme du public par une musique pleine d’imagination et de folie, reflets de leur incroyable créativité : lyrisme, électronique, beauté et sensualité alliés à un humour au second degré irrésistible. Le F de la fin aussi, comme celui de Fellini, ce grand cinéaste italien auquel Paolo Fresu rend hommage par une composition très inspirée lors du rappel.

Frédéric Gendre
Photo © Michel Laborde