2024
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2012

L'Astrada
Mark Whitfield
MARK WHITFIELD
Session de printemps

Russell Malone ayant été contraint d’annuler sa venue à Marciac, c’est le guitariste Mark Whitfield qui pose ses valises à L’Astrada le 24 février 2012. Habitué de la scène marciacaise, Mark Whitfield se produit en trio avec Pierre Boussaguet à la contrebasse et Mark Whitfield Jr à la batterie. La formation a convié un invité spécial pour ce concert : le saxophoniste ténor Teodross Avery, improvisateur au phrasé véloce qui met en avant une technique accomplie.

On attendait depuis longtemps une prestation à la hauteur du talent de Mark Whitfield. On est comblé avec ce concert qui permet d’écouter en direct cet élégantissime guitariste accompagné d’un talentueux trio tout à son écoute. La clarté et la souplesse des lignes de basse de Pierre Boussaguet méritent d’être signalées, tout comme le punch et la régularité quasi métronomique du tempo de Mark Whitfield Jr. Dans ce contexte, le leader assume sans complexe tous ses choix. Celui du répertoire, essentiellement de sa plume, celui des références astucieuses à la musique jazz et celui d’une virtuosité alliant de manière impeccable un staccato musclé à un toucher soyeux. L’ouverture de « Girl Talk » est saluée par un public conquis et réceptif. A l’évidence, l’ambiance qui règne à L’Astrada exacerbe les atouts du guitariste, rendant à la fois justice à la continuité de son inspiration sur tempo lent et à l’ébouriffante insolence de son expression sur les superbes thèmes bop qui encadrent ce concert. Pierre Boussaguet, jadis accompagnateur attitré de Guy Lafitte, fait également scintiller ses dons de soliste inspiré, créant, avec un son velouté et puissant, des phrases d’une grande beauté mélodique. Quant à Mark Whitfield Jr, il nous enthousiasme par son jeu volcanique, percussif, tout en décalage et revirement.

Mark Whitfield a une belle technique et beaucoup d’énergie. Trop peut-être. Très convaincant dans les ballades, il est un peu moins séduisant sur les tempos enlevés. Le guitariste a parfois du mal à freiner son appétit des notes. Les morceaux les plus rapides tournent vite à l’exercice de style qui rend bien monotone l'écoute de ces titres trop uniformes pour véritablement séduire. Cependant, les autres musiciens contrebalancent avec bonheur l’hétérogénéité du concert en fournissant un écrin parfait à sa guitare. Ils éprouvent tout bonnement du plaisir à jouer ensemble. Ils s’écoutent, se répondent, se parlent. Mais c’est une fois de plus sur une ballade jouée en solo que Mark Whitfield épate. Empreinte à la fois de tendresse, de nonchalance, de joie et de mélancolie, le guitariste développe sur ce titre une profondeur de discours qui pourrait le faire passer pour un phénomène. Très à son aise dans ce registre, il joue avec un feeling admirable et une inspiration sans faiblesses. Le guitariste fait alors entendre tout ce qui fait l'originalité de son jeu : une attaque tranchante, un vibrato clairement contrôlé, une vélocité parfaitement maîtrisée où l'articulation des phrases est d'une clarté totale.

Mention spéciale au saxophoniste Teodross Avery, pour sa sonorité, ses inflexions, son phrasé mélodique. Il déroule au ténor un chant majestueusement puissant. A ses côtés, Mark Whitfield s’affirme comme l’un des meilleurs guitaristes actuels. Rythmicien à l’action énergisante, soliste inventif et volubile, il égrène les notes comme des perles. D’ailleurs, son chase avec le saxophoniste lors du rappel est l’un des moments forts de ce concert un peu bancal mais plein de charme et de swing.

Frédéric Gendre
Photo © Jean-Jacques Abadie