2024
18 Juillet > 04 Août

Archives

2010

Salle des Fêtes
KEN PEPLOWSKI & THE TUXEDO BIG BAND
KEN PEPLOWSKI & THE TUXEDO BIG BAND
Session de printemps

« Quel orchestre ! » s’exclamait Guy Lafitte, « Qu’attendent-ils pour venir aux USA ? Ils y feraient un triomphe ! » disait Milt Jackson. Bob Wilber considérait lui aussi le Tuxedo comme le meilleur big band que l’on puisse entendre en Europe et André Francis le qualifiait d’orchestre de référence. Spécialisé dans la reprise du répertoire des « grosses » formations d’antan (Fletcher Henderson, Jimmy Lunceford, Chick Webb, Count Basie, Duke Ellington…), le Tuxedo big band a notamment enregistré deux disques en hommage à l’œuvre du clarinettiste, saxophoniste et chef d’orchestre américain Benny Goodman, qui aurait aujourd’hui cent ans. Afin de célébrer dignement cet anniversaire, Jazz in Marciac a invité à la fête les seize membres du Tuxedo ainsi que Ken Peplowski, éminent disciple de Benny Goodman qui fut son mentor et son employeur.

Ca commence par « Bugle Call Rag », « King Porter Stomp » et « Swingtime In The Rockies ». Grâce aux transcriptions de Paul Chéron, le Tuxedo Big Band a trouvé cette façon unique de traiter la phrase et le son de Benny Goodman dans les années trente et qui confère au swing sa pleine authenticité. Il nous offre ici un joli bouquet de l’œuvre de Benny Goodman jouée par des musiciens parfaitement à l’aise dans ce contexte. Tel est le propos de ce big band Toulousain mené d’une main de maître par Paul Chéron. L’orchestre fournit à Ken Peplowski une assise d’une solidité à toute épreuve grâce notamment au « drumming » très efficace de Guillaume Nouaux. Ca faisait longtemps que le clarinettiste et saxophoniste américain n’avait pas été à pareille fête. Il souffle dans sa clarinette à pleins poumons avec une ardeur juvénile, évoquant à merveille son idole Benny Goodman. La présence de Peplowski en soliste émérite pimente avec bonheur ce répertoire magique, d’un autre temps. Outre ses brillantes qualités de leader, dont il fait preuve de bout en bout, le clarinettiste est un chercheur méticuleux et infatigable.

Le Tuxedo vit en quelque sorte sa propre vie, il ne fait pas que restituer note pour note les parties de l’orchestre de Benny Goodman. Au contraire, on le sent respirer, palpiter et tousser, même, à la rigueur des arrangements originaux de ces thèmes bien connus. Il s’agit là d’un prodigieux travail accompli par Paul Chéron et ses acolytes qui ne se livrent pas à une copie servile de l’oeuvre de Benny Goodman. Ils savent en préserver l’esprit et la couleur (pulsation caractéristique, orchestration, phrasé d’ensemble) mais tout en laissant libre cours à la spontanéité et la créativité des solistes. Avec une mention spéciale pour les interventions remarquées du trompettiste Nicolas Gardel et du batteur Guillaume Nouaux. Ce qui nous attend aussi, c’est la nouvelle découverte de Paul Chéron, une chanteuse adorable, pleine de swing et de feeling : Nadia Cambours ! Quant à Ken Peplowski, il relève le défi de se frotter au swing de Benny Goodman avec l’assurance d’un vieux briscard. Dès l’entame de « St. Louis Blues », on a la certitude qu’il a parfaitement assimilé les leçons de l’ « ancêtre ». Outre « Sing, Sing, Sing », il s’attaque aussi à « One O'Clock Jump », autre interprétation mythique qu’il maîtrise sans complexe, soulignant à merveille chacune de ses intentions. Un exercice subtil et périlleux auquel ne se livrent que les plus grands.

Au sein du Tuxedo, chacun tient sa place sans chercher à se mettre en vedette. Chaque musicien écoute son voisin pour atteindre cette connivence qui fait les grandes formations de jazz. Tous les artistes de ce soir connaissent parfaitement leur affaire. Une fois les partitions posées sur les pupitres, la machine à swinguer démarre : une merveille d’équilibre entre les sections! L’association formée par Ken Peplowski et le Tuxedo est en tout point remarquable. C’est sous cet angle que l’orchestre aborde le répertoire de Benny Goodman tout en y mettant son propre tour de moulin à poivre! Ce remarquable concert mérite d’être dégusté d’un bout à l’autre comme une friandise afin d’offrir toutes les satisfactions possibles aux vrais amateurs de big band.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux