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2009

Salle des Fêtes
The Golden Gate 4tet
THE GOLDEN GATE QUARTET
Session d'automne

Le Golden Gate est le plus illustre des quartets vocaux religieux afro-américains. Créé en 1934 sous le nom du Golden Gate Jubilee Singers, le groupe a exercé une influence primordiale sur toutes les formations vocales des années 30. Certes, soixante quinze ans après sa création, il ne reste plus aucun membre original au sein du quatuor mais aujourd’hui, le vétéran du Golden Gate, Clyde Wright, a tout de même plus de 81 ans et il a intégré cette institution en 1954. On retrouve aussi dans la formation actuelle Paul Brembly, le neveu d’Orlando Wilson, membre du groupe de départ. En 2007, le Golden Gate quartet a annoncé son intention de quitter la scène, non sans avoir entamé auparavant une interminable tournée d’adieu qui l’amène à fêter Noël 2009 avec Jazz in Marciac.

Retrouver le Golden Gate quartet est toujours une source d’émerveillement, c’est une page d’histoire ouverte sur le présent. En effet, propulsée sur le devant de la scène dès son premier disque (The Golden Gate & Gabriel Blows, 1937), la formation est restée un modèle du genre pour tous les ensembles de gospel mais aussi pour beaucoup de vocalistes appartenant à d’autres familles musicales. Même si le groupe n’a pas été épargné par les changements de personnel, il est surprenant de voir le Golden Gate toujours en activité plus de sept décennies après sa création. Une telle longévité s’explique par l’image institutionnelle d’une formation dont il ne faudrait surtout pas négliger l’aspect novateur. Aujourd’hui, le groupe est sous la direction musicale du doyen Clyde Wright. Lui et ses complices ont concocté pour le public de Marciac un programme de morceaux traditionnels relevant surtout des negro spirituals mais aussi de compositions personnelles du leader dont certaines peuvent être considérées comme des gospel songs. Les spectateurs sont conquis par la beauté des arrangements et des harmonisations dans lesquels sont passés maîtres les deux ténors Clyde Wright et Franck Davis, le baryton Paul Brembly et la basse Anthony Gordon. Les chanteurs créent un langage d’une infinie richesse dont l’un des traits majeurs réside dans le rapport du texte à l’articulation. Entre pièces swinguantes à la précision « diabolique » et hymnes recueillis, entre leads vocaux narratifs et chants a cappella c’est toute une tranche de l’histoire des negro spirituals qui défile devant nous.

Live et a cappella, les Golden Gate sont toujours aussi étonnants. L’homogénéité parfaite entre les voix n’a d’égal que la qualité des harmonies ou leurs mises en place sidérantes. La richesse des timbres, la précision des attaques, l’équilibre des voix demeurent saisissants. Mais il est plus surprenant encore de constater que, loin de surfer sur la vague de la nostalgie, l’ensemble conserve toute sa pertinence dans un contexte orchestral actuel avec l’ajout discret de quelques instruments (Daniel Pines au piano, Joël Rocher à la basse, Pascal Riou à la batterie). Les morceaux de bravoure cohabitent ainsi avec des œuvres plus modernes dans lesquelles certaines interventions parlées sont proches du rap (Religion ; Hammering). Elles résument à elles seules la permanence d’une tradition vocale qui sert de colonne vertébrale à tout l’art musical afro-américain. Par exemple dans "Run On", le Golden Gate greffe une instrumentation et des rythmes funky sur des paroles religieuses incitant à suivre le droit chemin. D’autres fois, la simplicité des arrangements et le naturel des voix rendent leurs chants souvent très touchants. Il y a une telle beauté intrinsèque dans les interprétations, un tel dynamisme dans le jeu de scène des chanteurs et un tel swing dans les mélodies et dans les rythmes que le plaisir est constant. Lorsque Paul Brembly esquisse quelques pas de danse sur le côté de la scène, on a envie de reprendre derrière lui sa chorégraphie. Quant au vétéran Clyde Wright, il reste l’une des voix les plus ardentes du groupe. Le poids des ans n’entame pas la générosité du chanteur dont la voix est encore d’une telle épaisseur qu’elle séduit d’emblée. Les Gospels suaves et passionnés sont portés par la voix grave et prenante de Clyde Wright. Le leader est un showman, il fait preuve d’humour en dialoguant avec le public un peu à la manière de Droopy mais il sait aussi trouver les mots qui touchent avant d’interpréter des negro spirituals rendus avec émotion, sincérité et un sens du contact direct.

Sous la direction et l’énergie de Clyde Wright, le Golden Gate a su se relancer encore une fois. Maintenant une cohésion remarquable, cette formation a su gérer les départs et les décès, chacun transmettant son expérience et sa science du chant à son successeur. Le répertoire de ce soir met en évidence le rôle novateur du groupe sur le plan des arrangements et des exécutions, du swing et de la force expressive des interprétations. On se prend tellement au jeu qu’on en arrive à regretter la fin du concert même si c’est pour entendre un morceau usé jusqu’à la corde comme "Oh Happy Day" qui ici, garde un certain charme grâce à une très belle version. Sur la route, toute la sainte journée, la tournée d’adieu du Golden Gate quartet n’est pas près de s’arrêter.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux