2023

Chantre du dialogue entre les cultures orientales et occidentales, lui-même descendu du minaret avec un bagage vocal étonnant, le joueur de oud Dhafer Youssef est littéralement habité par la musique. Mystique diraient certains, car Dhafer s’est engouffré dans la musique comme d’autres entrent dans les ordres : religieusement. A l’âge de dix ans, en chantant dans les mariages organisés dans son village natal de Téboulba, à 25 kilomètres de Monastir ; puis en s’exerçant sans relâche sur son instrument, jusqu’à en acquérir une parfaite maîtrise. Au point que sur scène, il fait penser à ces "guitar heros", rock stars des années 70, autant par sa technique et sa virtuosité, que par l’énergie qu’il dégage. Son dernier disque "Street Of Minaret" lui permet de rendre visite au jazz, aux modes orientaux, à des expressions lyriques que sa propre sensibilité rend presque irréelles. Il atteint une forme de beauté objective, soit l’oxymore le plus lumineux que le métissage musical dont le jazz est friand nous ait donné à entendre depuis quelques années. Dhafer Youssef aurait pu être écrasé par le poids de ces icônes, et ne pas trouver sa place. A l’écoute de Streets of Minarets, c’est tout le contraire. Il s’est nourri de leur expérience et de leur musicalité, sans perdre ce qui fait son identité musicale : ce pont entre l’orient et l’occident ; entre la musique traditionnelle, indienne, arabe ou classique, et le jazz. Qui aurait imaginé que l’Oud, luth oriental au ventre rebondi, pourrait revêtir des accents de funk ? Mais qui, il y a quarante ans, aurait imaginé Miles Davis associer sa trompette aux synthétiseurs et autres batteries électroniques, sans se dévoyer une seule seconde ? L’audace est assurément la marque des grands.
- dhaferyoussef.com
- Dhafer Youssef (oud, voix) Norayr Gapoyan (duduk) Daniel Garcia (piano) Swaéli Mbappé (basse) Tao Ehrlich (batterie) Adriano Dos Santos Tenorio (percussions)