2024
18 Juillet > 04 Août

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2008

Salle des Fêtes
FLORIN NICULESCU
BENNY GREEN & FLORIN NICULESCU
Session de printemps

Totalement voué au culte des grands musiciens qui l’ont précédé, Benny Green a choisi sa voie, celle d’un style affirmé qui a fait ses preuves et qui plaît. Ce pianiste, qui a suivi en particulier l’école des Jazz Messengers, connaît son Art Blakey, son Bobby Timmons et son Red Garland sur le bout des doigts. Sa façon de jouer du piano reflète ce travail technique et culturel qui traduit plus l’acquisition d’un savoir-faire qu’une réelle volonté de bouleverser. Cependant, il extrait de tout ça une énergie captivante et sa rencontre avec le violoniste roumain Florin Niculescu apporte une touche originale riche de stimulation réciproque et d’émulation.

Le premier set met en lumière le trio de Benny Green. Le bassiste Giorgos Antoniou et le batteur Steve Brown sont deux musiciens attentifs qui fournissent aux cavalcades du pianiste un accompagnement solide. Sur « Yardbird Suite », comment ne pas garder de Benny Green le souvenir de l’artificier étincelant entendu au sein du trio de Ray Brown ? Sa technique et son énergie poussent Giorgos Antoniou à faire des citations qui rappellent sans équivoque les lignes de basse fermes et claires de Ray Brown. Les clichés qui pointent parfois au détour de ses chorus s’inscrivent toujours dans des phrases d’une grande richesse harmonique. Avec « Makin’ Woopee », il est difficile de ne pas être admiratif devant une telle maîtrise du swing et du tempo. Sur ce titre de Walter Donaldson, le sens du blues est là ainsi que les références à un classicisme qui s’étend du jeu d'Oscar Peterson à celui de Monk en passant par Bud Powell. Même si l’empreinte des maîtres reste un peu trop manifeste, ce répertoire, servi avec révérence, efficacité et franchise, prend toute sa valeur grâce à un trio de musiciens qui, à chaque fois, sait sélectionner le meilleur angle de vue. Pour finir, la reprise du thème de « Bewitched » est une belle surprise. On se souvient alors avec nostalgie de cette série américaine des années soixante, plus connue en France sous le titre de « Ma Sorcière Bien Aimée ».

Florin Niculescu fait son entrée lors de la deuxième partie. Le violoniste roumain amène l’originalité qui transcende un discours déjà plaisant. Avec lui, on trouve un Benny Green plus aventureux que de coutume. La solidité de la rythmique contribue à la cohésion d’un groupe qui développe avec une imagination débordante des phrases complexes gorgées de swing. Le trio donne aux épanchements mélodiques du violon une assise harmonique d’une rare densité et les interventions de Florin Niculescu apportent à chaque thème (Just One Those Things ; In A Sentimental Mood ; But Not For Me…) une couleur particulière sans enlever à l’ensemble son unité de ton. Les influences du violoniste sont aussi bien le jazz manouche que les musiques tziganes d’Europe de l’Est. Mais sa connaissance du jazz lui permet de s’exprimer dans bien d’autres contextes, comme ce soir à Marciac, avec le trio de Benny Green. Pour mener à bien cette plongée originale dans l’univers du pianiste, le lyrique et incisif Florin Niculescu développe des solos d’une grande musicalité. Quant à Green, des hauteurs d’un piano à la virtuosité contenue, il sait se montrer subtil pour accompagner le soliste. Mais quand il faut montrer son appétit des notes, comme sur « Blues For Marciac », spécialement créé pour l’occasion, il développe de longues séquences en « block chords » avec la légèreté d’un phrasé irréprochable.

Il y a dans ce concert mille occasions de se régaler, tant l’excellence et la sensibilité sont au rendez-vous. Benny Green est un incomparable technicien, capable d’adapter sa virtuosité de soliste et ses talents d’accompagnateur aux styles les plus divers. Et Florin Niculescu se range parmi les violonistes virtuoses dont le jeu a conservé toute la flamme de son pays d’origine. La magie de cette association prend instantanément, le violoniste change le trio de Benny Green en or. Pas étonnant pour quelqu’un dont le prénom est Florin. Du latin « florenus », il est la fleur de lys qui a rendu la main verte à Benny Green.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux