2024
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2006

Salle des Fêtes
BENNY GREEN
BENNY GREEN
Session de printemps

Benny Green est l'éternel adolescent du jazz : aspect décontracté et cheveux courts, on dirait un étudiant. Pourtant, à quarante-trois ans, cet artiste a su discrètement s'imposer dans le paysage fort encombré des pianistes de la nouvelle génération. Lors d'une précédente venue à Marciac (le 21 février 2004), son duo avec Russell Malone avait démontré l'efficacité de l'association entre le piano et la guitare. Ce samedi 29 avril, le pianiste se produit à la tête d'un trio qui nous fait penser à ceux d'Oscar Peterson. Ici, la rythmique est assurée par Alvin Queen (batterie) et John Webber (contrebasse). Vient s'ajouter au groupe un invité spécial : le saxophoniste Harry Allen.

Le premier morceau du concert ("Come On Home") annonce la couleur : c'est le bleu du blues! Difficile de ne pas rester en haleine devant une telle maîtrise du swing et du tempo. Benny Green en profite pour y glisser un discours mélodique complexe, à la précision rythmique irréprochable. Alvin Queen et John Webber prolongent et commentent avec pertinence les propos du pianiste. Mais quelques titres plus tard, celui-ci fait des infidélités à son trio pour goûter avec une certaine délectation aux joies du solo. Il se livre alors sans contraintes à des explorations passionnantes comme en témoigne son interprétation de "Centerpiece" (Harry Edison). Cette ballade est construite autour d'un dialogue particulièrement sensible entre les deux mains. Green impose sa "patte" lors de cet exercice difficile où il affiche une certaine modestie dans le choix de ses notes. Pas d'esbroufe ni de virtuosité gratuite, Benny Green nous montre une facette de son jeu qui se prête bien à cette improvisation marquée par le langage du blues.

De retour, le trio déploie tout au long de la seconde partie une invention et une richesse harmonique telles que les thèmes les plus communs s'en trouvent renouvelés ("Remember" d'Irving Berlin ; "Lush Life" de Billy Strayhorn...). La solidité d'Alvin Queen à la batterie, ses interventions en solo, contribuent à la cohésion d'un groupe qui caracole avec allégresse sur une thématique essentiellement hard bop. Benny Green n'est jamais plus à l'aise que dans ce contexte où il laisse libre cours à sa virtuosité. A ce moment du concert, il se montre le digne émule de ses prédécesseurs (Horace Silver, Walter Davies Jr., Bobby Timmons...). Le rapprochement avec ces grandes figures du jazz n'a rien de hasardeux ou de présomptueux : la technique du pianiste lui permet de soutenir la comparaison avec ses illustres devanciers. Ensuite, la formation se charge d'accompagner Harry Allen au saxophone ténor. Le trio lui fournit une assise d'une solidité à toute épreuve qui lui permet de développer de très beaux solos aux réminiscences de Ben Webster et de Stan Getz.

L'association d'Harry Allen avec ce groupe exalte les qualités de tous les protagonistes qui offrent à leur auditoire un répertoire d'une extrême musicalité fondée sur le blues et les standards hard bop. Quant aux compositions de Benny Green, elles marquent un sens développé de la mélodie qui n'est pas sans rappeler Bud Powell. Au final, rien n'est à jeter dans ce concert qui rend justice à un pianiste dont l'esthétique se rapproche désormais de celle de Mulgrew Miller.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux