2024
18 Juillet > 04 Août

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2011

L'Astrada
© Pierre Vignaux
AVISHAI COHEN
Session d'automne

Avishai Cohen s’est fait connaître en accompagnant quelques uns des plus grands jazzmen actuels comme Chick Corea, Brad Mehldau, Danilo Perez. Mais il s’est très vite distingué par ses talents de compositeur qui l’ont fait rapidement devenir la nouvelle coqueluche d’un public qui dépasse largement le cercle des amateurs de jazz. Le voici ce soir dans la nouvelle salle de Marciac, L’Astrada, à la tête d’un trio acoustique survitaminé qui vient nous livrer quelques unes de ses compositions multicolores.

Le trio acoustique est une formule qu’Avishai Cohen affectionne tout particulièrement et qui sied à merveille à son univers musical, tout en finesse et délicatesse. Le répertoire choisi est celui de ses deux derniers albums. Les chansons d’«Aurora» (2009 Blue Note) et de «Seven Seas» (2011 Blue Note) sont un retour aux sources méditerranéennes. La formation aborde des thèmes populaires de la tradition hébraïque mais s’ouvre également aux musiques du monde, du folk-oriental au latino-cubain, du jazz à la pop, en passant par les sonorités arabo-andalouses. Le groupe dresse des ponts entre les styles musicaux et les cultures. Le parcours artistique d’Avishai Cohen évolue vers une fusion entre ses racines méditerranéennes et le groove New-Yorkais de ses débuts. C’est un jazzman transculturel dont les thèmes soignés et raffinés évoluent à la frontière des musiques traditionnelles et du jazz. Si sa maîtrise instrumentale ne fait aucun doute, on est d’abord séduit par la qualité de son écriture et on tombe très vite sous le charme de ses mélodies envoutantes. Le voilà qui se présente au micro à voix basse, timbre grave, phrasé sensuel pour chanter des airs de folk sépharade. Le bassiste-chanteur bâtit un répertoire, façonne un son, érige un univers sans pareil.

Métissé, épicé, chaleureux, ce concert se montre d’emblée séduisant. La sincérité et l’énergie ne sont pas les moindres qualités de cette musique bigarrée. Avishai Cohen fait des merveilles à la contrebasse, ses cordes frottent, grattent, claquent ! Parfois il tape sur son instrument comme s’il s’agissait d’une percussion, parfois on entend les accents mélancoliques d’une contrebasse à l’archet. Avishai Cohen choisit de structurer sa musique sur l’émotion. Pari réussi! D’autant plus qu’il est merveilleusement secondé par ses compagnons, qu’il s’agisse de l’excellent batteur Amir Bresler, remarquable d’énergie et d’inventivité, ou du jeune pianiste Omri Mor, stupéfiant de musicalité. Ce trio sait parfaitement exprimer la quintessence d’une composition, notamment par de magnifiques unissons, et la dynamiser ensuite par de brillants solos (mention spéciale au batteur pour son explosivité de bon goût !). Le groupe remporte l’adhésion du public grâce à la fulgurance de ses interprétations et à l’énergie contagieuse qu’il dégage. Ensemble, ils font osciller cette musique de rythmes et de chants entre beauté mélodique et transe. En guise de rappel, retour au chant avec «Alfonsina Y El Mar», une ballade judéo-espagnole accompagnée des douces variations de la contrebasse d’Avishai Cohen.

Tous ceux qui ont vu Avishai Cohen ce soir à Marciac peuvent en témoigner : sous le contrebassiste de jazz se cache une bête de scène. Au-delà de l’image de l’athlète de la basse, Avishai Cohen apparaît comme un véritable créateur de mélodies élégantes et de climats à la fois apaisants et tonifiants qui constituent désormais sa marque de fabrique. Le thème de «Shalom Alaichem» se retient instantanément comme une ritournelle qui résonne encore dans nos têtes. Sa musique apte à attirer un très large public a comblé L’Astrada, au sens propre comme au figuré.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux