2024
18 Juillet > 04 Août

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2005

Salle des Fêtes
LEW SOLOFF & GILLESPIANA
TRIO ROSENBERG
Session d'hiver

Avec deux guitares et une contrebasse pour toute rythmique, le trio Rosenberg propose en un concert de plus de deux heures le meilleur de l’œuvre de Django Reinhardt, virtuose autodidacte de la guitare manouche. Stochelo Rosenberg joue de la guitare dans un style directement inspiré de celui de son maître, il reste depuis toujours fidèle à la musique de son enfance avec une joie simple et un plaisir sincère. Chez les gens du voyage, on a toujours su mélanger les genres, notamment le Jazz avec les musiques de Bohême, de Turquie, d’Espagne... Il se présente ce soir au public marciacais comme l’un des dignes successeurs de Django tels Romane, Dorado Schmitt et Biréli Lagrène.

La première partie du concert ne masque pas les intentions du trio : perpétuer la musique du passé pour ne pas l’oublier. Bien plus qu’un hommage à ce génie de la guitare, il s’agit là d’une forme évidente de respect vis-à-vis de ce grand compositeur que pouvait être Django Reinhardt qui, paradoxalement, ignorait tout de l’écriture musicale. Sa non connaissance du solfège et sa main gauche mutilée ne l’empêchait pourtant pas d’avoir de bonnes idées et de les transmettre aux autres musiciens quel que soit leur instrument de prédilection. Ainsi, son œuvre est une importante source d’inspiration pour tous les guitaristes d’hier et d’aujourd’hui qui ne sont parfois restés qu’au rang des imitateurs trop fidèles. Stochelo ne fait pas partie de ceux là. Pour lui, la musique est une manière d’aller de l’avant et même si son jeu de guitare est profondément marqué par l’héritage de Django, il en prolonge le lyrisme généreux, la vivacité de l’attaque ainsi que la précision du toucher. C’est donc avec un talent génétique (Son père, Mimer Rosenberg était lui aussi un guitariste de renom !) qu’il nous interprète les plus belles compositions de Django Reinhardt : Swing 42, Belleville, Nuages, Artillerie Lourde… pour n’en citer que quelques unes parmi les plus célèbres.

Le second set permet à Stochelo Rosenberg de mettre en avant ses propres compositions : La promenade, Miro Tata Mimer, Pepito… Même si ces titres sont avant tout autobiographiques (Miro Tata Mimer est dédiée à la mémoire de son grand-père et il a écrit Pepito pour son fils), il est évident que le style musical de Django n’a jamais cessé d’influencer son travail d’écriture ou sa technique de jeu. A défaut d’être sa principale source d’inspiration, l’esprit de ce musicien emblématique continue d’éblouir les compositions du Rosenberg trio. Son héritage constitue une sorte de locomotive par laquelle Stochelo tend à créer son propre style, à apporter sa propre contribution. La particularité essentielle du jazz manouche se situe au niveau de la technique combinée à une certaine approche de l’improvisation. Stochelo Rosenberg excelle dans cet exercice grâce à une dextérité vertigineuse alliée à une sonorité acoustique particulièrement sensuelle (souvenonsnous de ses magnifiques harmoniques sur le thème de Nuages lors de la première partie !). Parfois la ligne directrice du concert fait quelques incursions dans des univers bien différents : une bossa de Dorado Schmitt, une mélodie arabisante pour Caravan de Duke Ellington, un Moon Flower très latino de Carlos Santana, tout ceci ponctué par Honey Suckle Rose de Fats Waller dont on ne sait jamais quand il se termine.

Mais chez les Rosenberg, la musique est une affaire de famille et les racines refont surface pour la clôture avec un fulgurant Festival 48. La musique reste l’une des pièces maîtresses de la culture tzigane mais on ne l’apprend pas dans les écoles de musique ou les conservatoires : pour tout gipsy elle est présente dans chaque famille et tout le monde en fait. Fidèle à cette idée, Stochelo fait monter sur scène les stagiaires qui ont participé à sa Master Classe ce samedi à Marciac pour une interprétation très chaleureuse de Minor Swing. En terme de formation, c’est ce que l’on appelle un exercice pratique !

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux